Capsules d'histoire - Autres

Les coupeurs de glace

 

Autrefois, les cultivateurs conservaient leurs aliments pendant l’été au fond de leur puits, dans des caveaux ou encore dans des jarres hermétiques. Ceux qui habitaient près de la rivière y coupaient la glace pour refroidir leurs denrées. Avec les années 1920-1930, des commerçants de la région commencèrent à vendre de la glace aux habitants qui possédaient des glacières à la maison.

 

François Leclerc utilisant sa scie mécanique pour tailler la glace, en 1949. (SHGBMSH, fonds Pierre-Lambert)

Au début de janvier, lorsque la glace sur le Richelieu était bien prise, des entrepreneurs taillaient la glace là où elle était très épaisse et facilement accessible aux chevaux (et plus tard aux camions) qui auraient à transporter les blocs. La saison de coupe se terminait vers le début de mars.

À l’origine, la coupe se faisait d’une façon très primitive en utilisant une « charrue à glace » qui tirait des couteaux qui pénétraient la glace. Le travail était terminé au godendard [grande scie qui se manie à deux]. On en vint bientôt à utiliser une scie ronde fonctionnant à l’essence. On déplaçait les blocs coupés sur la surface de l’eau au moyen de gaffes et on utilisait des grips [pinces, prises] pour les transporter. Pour sortir les blocs du bassin d’eau, on utilisait une surface métallique inclinée qui se rendait jusqu’aux traîneaux pour le chargement. Afin d’éviter des accidents, le bassin était ceinturé de vieux sapins de Noël qui terminaient leur carrière sur la rivière.

Dès que les cultivateurs apprenaient que des commerçants avaient commencé leur travail de coupe, ils se dépêchaient de se rendre au « chantier » sur la rivière pour acheter leur glace.

Certains habitants achetaient 500 à 600 blocs et même jusqu’à 1000 blocs de glace par année. Quelques-uns s’en servaient pour conserver le lait qu’ils expédiaient à Montréal. Les blocs de glace étaient suffisamment petits pour être placés dans une glacière familiale. La glace fondait rapidement et une famille pouvait facilement acheter cinq blocs de glace par semaine. Les ventes atteignirent un sommet vers 1950 lorsque les grands terrains de pique-nique d’Otterburn Park attirèrent des milliers de citadins et qu’il fallait livrer la glace pour rafraîchir la bière.

Un bon coupeur de glace comme François Leclerc, aidé de son père et de ses trois frères, arrivait à tailler jusqu’à 6 000 blocs dans ses bonnes journées.

Le commerce de la coupe de glace finit par disparaître à mesure que les réfrigérateurs se répandirent dans les familles au cours des années 1950. Quand François Leclerc abandonna son métier en 1956, il était le dernier coupeur de glace de la région.

 

Pierre Lambert

 

La capsule a paru dans L’Oeil régional, 25 février 2025, p. 25.