Capsules d'histoire - Le patrimoine bâti

On déménageait des maisons et même de gros bâtiments

 

La bâtisse, qui servait d’atelier à Dionis Désilets, est supportée par une structure juchée sur des rouleaux. (SHGBMSH, coll. J.-C. Adam, C05-11,025)

J.-Roger Cloutier, SHGBMSH

Dans les années 1930, l’entrepreneur Dionis Désilets a commencé à fabriquer de l’ameublement d’église : bancs, autels, fonts baptismaux, confessionnaux, etc. Il avait installé son atelier dans un bâtiment en bois à deux étages qu’il louait du cultivateur Wilfrid Morin et qui était situé sur la rue Ernest (Brunelle, aujourd’hui) à Belœil. En 1940, le gouvernement commence la construction du pont Laurier au-dessus du Richelieu pour relier Belœil et Saint-Hilaire. L’atelier se trouve alors sur le chemin de l’entrée du futur pont. Le ministère de la Voirie exproprie le terrain de Wilfrid Morin et alloue à Dionis Désilets un montant de 500 $ pour la perte de son atelier. Mais au lieu de le démolir, celui-ci achète le bâtiment de Wilfrid Morin pour la somme de 650 $ et le fait déménager une centaine de mètres plus loin sur la rue Ernest. Un entrepreneur spécialisé, Jean-Paul Trahan de Saint-Jean, exécute le déménagement pour la somme de 298 $.

On soulève alors le bâtiment à l’aide de plusieurs puissants vérins disposés et manœuvrés méthodiquement. Des rouleaux sont installés sous une structure temporaire faite d’immenses poutres qui soutiennent le bâtiment. L’ensemble est ensuite halé tout au long de l’itinéraire à l’aide d’un treuil fixé temporairement dans le sol par des pieux. Un cheval attelé au treuil fait tourner celui-ci, tirant l’énorme câble attaché au support du bâtiment. En chemin, il faut déplacer le treuil plus loin et recommencer le halage. Arrivé à l’emplacement où on a préparé les nouvelles fondations, on y glisse l’édifice. L’opération de halage a duré une semaine.

 

L’employé de Jean-Paul Trahan et son cheval reprennent leur souffle. (SHGBMSH, coll. J.-C. Adam, C05-11,024)

 

Voilà comment, en 1940, on déplaçait des édifices avec une poignée d’hommes et un cheval, pour quelques dollars. Tout ce beau travail a malheureusement été peu utile puisqu’un incendie a détruit l’atelier en juin 1941. Dionis Désilets reconstruit son atelier et le feu le ravage à nouveau en 1953. Inlassablement, il a reconstruit cet édifice qui existe toujours au même endroit.

Note : pour en apprendre davantage sur Dionis Désilets et son entreprise de menuiserie de Belœil, lire le Cahier d’histoire nos 57et 58 : une étude de J.-Roger Cloutier, primée au concours Percy-W.-Foy en 1997.

La capsule a paru dans L’Oeil régional, 26 juin 2024, p. 21.