Capsules d'histoire - Mémoire des femmes

Gabrielle Messier (1904-2003), une artiste hilairemontaise inscrite dans l’histoire

 

Gabrielle Messier et Ozias Leduc au travail à l’église Notre-Dame de la Présentation de Shawinigan (Photo Mgr Albert Tessier, coll. Gilberte Harbec-Ledoux, SHGBMSH, C58)

Native de Mont-Saint-Hilaire, Gabrielle vit une enfance heureuse dans une famille de huit enfants. Très tôt dans sa scolarité au couvent des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie, elle démontre une passion pour le dessin et la peinture. Toutefois, ce n’est qu’à partir de 1924 qu’elle reçoit des leçons d’un peintre et photographe (Louis-Philippe Martin) puis d’un peintre et musicien (Pierre Chivé) auprès desquels elle développe le plaisir des couleurs et celui de texturer ses tableaux. Inscrite à un cours de dessin avec Ozias Leduc en 1940, elle y acquiert, dit-elle, une culture artistique, l’art de la composition d’un tableau et celui de la perspective. Deux ans plus tard, Leduc lui demande d’exécuter son portrait. Ce peintre reconnaît ainsi le talent de Gabrielle qu’il associe à la décoration de l’église Notre-Dame-de-la-Présentation à Shawinigan. Après le décès du maître en 1955, c’est elle qui termine cette œuvre dont l’exécution aura duré 14 ans.

De retour d’un voyage d’études à Paris en 1957, Gabrielle Messier crée son atelier d’art à Mont-Saint-Hilaire où elle accueille des groupes d’enfants de 5 à 12 ans et des adultes. Yolande Valiquette, artiste multidisciplinaire de Mont-Saint-Hilaire, témoigne de son passage à cet atelier à l’âge de 7 ans. « Grâce à Gabrielle, je n’ai jamais cessé de centrer ma vie sur l’art sous plusieurs formes. La peinture, la sculpture, le design d’exposition (scénographie) m’ont passionnée toute ma vie. Je me souviens qu’on peignait ou dessinait sous les arbres et que Gabrielle soulignait gentiment nos progrès. Des moments de plaisir que je n’oublierai jamais ! ». Tout en maintenant son école, Gabrielle Messier peint quelques portraits à partir de photographies, plusieurs natures mortes inspirées de son enfance auprès d’un père pomiculteur, surtout des paysages habités, et elle collabore au film Correlieu tourné en 1957 dans l’atelier d’Ozias Leduc dont elle est chargée de compiler les archives par le ministère des Affaires culturelles du Québec. Elle expose dans plusieurs galeries de Montréal et voit enfin, en 1979, une de ses œuvres, « La maison natale du peintre Ozias Leduc », entrer au Musée national des beaux-arts du Québec. En 1984, l’apport de Gabrielle Messier est largement souligné dans le documentaire de l’Office national du film Ozias Leduc, peintre-décorateur d’églises.

Mises à part huit années à Laval, Gabrielle a vécu 72 ans à Mont-Saint-Hilaire et, à 84 ans, en 1987, elle s’établit avec sa nièce à Port-Daniel dans la Baie-des-Chaleurs. C’est à Caplan en mars 2003 qu’elle décède. Ses dernières années auront été ponctuées de visites de collectionneurs, d’amis et parfois d’anciens élèves qui appréciaient ses récentes marines inspirées des paysages de la Gaspésie. Jusqu’à la fin de sa vie, elle se consacre à la peinture. Ses œuvres — plus de 675 au total — sont dispersées auprès de collectionneurs privés, mais aussi dans quelques musées, dont ceux de Joliette, de Bonaventure, et des beaux-arts du Québec. À la suite d’une exposition en 1984 soulignant les 60 ans de vie artistique de l’artiste, le Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire organise, dix ans plus tard, une exposition-rétrospective de ses œuvres, « L’univers suggestif de Gabrielle Messier », regroupant 80 de ses tableaux et dessins.

En 1997, dans un Cahier d’histoire, son ami Robert Messier écrit que « Gabrielle Messier est une femme dynamique et déterminée qui, d’année en année, a su développer son propre style à travers de multiples tendances picturales. Sensible, généreuse et optimiste, elle a réalisé une œuvre fortement inspirée par la nature et par la poésie de la vie quotidienne ; sa peinture est descriptive et suggestive ». Voilà une artiste remarquable, une pédagogue des arts et une femme de cœur dont l’histoire doit se souvenir.

NDLR : Le 3 août 2023, la page Facebook Mémoire des femmes, du comité relevant de la Fédération Histoire Québec, a publié une version abrégée de ce texte, rédigée par Louise Langevin, membre de la SHGBMSH. Les femmes en Arts et Lettres était le thème d’août 2023

— Louise Langevin

Références

MESSIER, Robert. « Gabrielle Messier ou l’art de toute une vie », Cahier d’histoire, Société d’histoire et de généalogie de Beloeil–Mont-Saint- Hilaire, 1997, no 52, p. 27 à 42.
BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES NATIONALES DU QUÉBEC. Notice sur le fonds Gabrielle Messier. En ligne [https://advitam.banq.qc.ca/notice/ 676786].
Entretien avec Yolande Valiquette à Mont-Saint-Hilaire, mai 2023.