Capsules d'histoire - Mémoire des femmes

Colette Noël, née Arbour (1926-2013), pédagogue progressiste

 

Colette Noël, née Arbour (Photo : Mes aïeux, https://www.mesaieux.com/images/AvisDeces/3056593.jpg, consulté le 17 sept. 2024)

Colette Noël, née Arbour, aura ouvert des voies nouvelles dans l’éducation au Québec. Cette femme aux solides convictions a toujours démontré une cohérence sans faille dans ses actions. S’il existe aujourd’hui encore des écoles dites alternatives ou à vocation spéciale intégrées au ministère de l’Éducation, c’est grâce à son audace et à sa persévérance.

Née en 1926 de parents professionnels précocement décédés, c’est après avoir obtenu son baccalauréat ès lettres et sciences en 1948 qu’elle s’envole vers la France étudier les arts et la pédagogie. Dans ce dernier domaine, elle découvre les œuvres de pédagogues progressistes dont cellee Célestin Freinet qui va influencer tout le reste de son parcours.

Armée d’un diplôme en pédagogie de l’Université Laval et forte de plusieurs stages en France à l’école Freinet, cette jeune veuve, mère d’un petit garçon (André Noël, qui deviendra journaliste à La Presse et romancier), ouvre vers 1955 dans sa maison de Belœil d’abord une maternelle puis des classes du premier cycle du primaire. L’année précédente, tout en planifiant l’organisation de son école qui survivra 13 ans, Colette Noël a obtenu une maîtrise en histoire (1954). Face à l’affluence d’élèves et sous la pression des parents, elle ajoute le deuxième cycle du primaire. Voilà qui transgresse les règles en ces années où les mères québécoises ne devaient pas travailler, mais se consacrer exclusivement à leur famille ! Les classes se tiennent dans deux maisons patrimoniales de Belœil et, brièvement, dans l’une de Mont-Saint-Hilairei. Contrairement à l’apprentissage par cœur et à la punition en vogue dans les écoles de l’époque, l’école Noël favorise l’expression libre des enfants, le travail manuel et la coopération. Les enfants doivent produire leurs outils de travail, par exemple, un journal, des enquêtes, des expérimentations, en vue d’apprendre à agir sur le monde. Cette école en a fait rêver plus d’un et a laissé ses marques dans la formation des futurs maîtres ! Son école n’est pas reconnue par le nouveau ministère de l’Éducation ; dépourvue de ressources, Colette Noël doit la fermer en 1967.

Détentrice d’un doctorat en éducation (1969), Colette Noël devient professeure à la Faculté des Sciences de l’éducation de l’Université de Montréal. Mais son passage y est marquant et dérange plusieurs collègues sans expérience concrète du milieu. En effet, cette innovatrice constate que la formation des maîtres doit être davantage rattachée au réel et suivre une démarche axée sur les préoccupations sociales. Dans son désir de cohérence, Colette Noël va enseigner un an dans une école de milieux défavorisés Elle se joint au groupe La Maîtresse d’école (GMÉ) qui vise à rapprocher les enseignements de la réalité des enfants de la classe ouvrière par une pédagogie progressiste collée au milieu. Rappelons ici qu’on était alors dans les années de l’émergence de la gauche au Québec. Critiqué de toutes parts et malgré quelques grèves des étudiantes et des étudiants, le GMÉ est dissous et seule madame Noël, grâce à sa permanence, peut demeurer à l’université où elle continue à enseigner et à publier jusqu’en 1989.

En 1991, elle prend sa retraite tout en contribuant à la publication d’une collection de livres pour les écoles défavorisées de Montréal. Elle décède en 2013 Val-David où elle s’est investie dans diverses causes sociales. Grande pédagogue progressiste, Colette Noël a soulevé dans les milieux scolaires et les universités un vent durable de renouveau qui a fait progresser l’ensemble du système scolaire québécois.

— Louise Langevin, mars 2023

 

[i] NDLR : deux maisons à Belœil (224 et 1076, rue Richelieu), et une à Mont-Saint-Hilaire (312, chemin Ozias-Leduc). Voir l’étude de Pierre Gadbois en référence.

 

Références

Marc-André Éthier, « Colette Noël, pédagogue Freinet et progressiste », Traces, Université de Montréal, vol. 42, no 4, nov.-déc. 2004, p. 29-31.

Pierre Gadbois, La maison Isaïe-Préfontaine, 224, rue Richelieu, Belœil (manuscrit présenté à la SHVR pour le concours Percy-Foy, déposé au centre de documentation et d’archives de la SHGBMSH sous la cote ART/B/728.000/GADmI/10007843), décembre 2012, 61 pages.

Annie-Geneviève Morel et Julien Rosa-Francoeur, « Regards sur l’école alternative », À bâbord, no 76, oct.-nov. 2018.

Diane Savard et Robert Cadotte, « Colette Noël, Maîtresse d’école (1926-2013) », L’aut’journal, 22 oct. 2013.

« Colette Noël (1926-2013): la pédagogue progressiste », Cyberpresse – La Presse, Montréal, 12 octobre 2013 (FQSG).