Capsules d'histoire - Notables et ancêtres
Les patriotes de Beloeil
Chaque année, vers la fin novembre, la cérémonie commémorative qui a lieu à Saint- Denis rappelle la rébellion des patriotes. Ceux-ci, il y a plus de 150 ans, ont livré plusieurs combats et escarmouches dans la région du Richelieu. Pourquoi ces combats?
La population vivait des moments difficiles au cours des années 1830. La situation économique était médiocre, les récoltes peu abondantes, les pauvres plus nombreux. Les terres étaient de plus en plus rares, mais le gouvernement en trouvait toujours pour les Loyalistes ou les Anglais qui arrivaient au Québec… Les étrangers étaient de plus en plus nombreux et ils apportaient avec eux le choléra qui se répandait dans les paroisses en tuant des dizaines d’habitants.
Les tribunaux anglophones relâchaient des soldats anglais qui avaient tué des francophones. La liberté de presse était abolie, car les journalistes qui se plaignaient étaient emprisonnés. Les députés canadiens étaient incapables de contrôler le gouvernement colonial. La situation était de plus en plus intolérable et la population de plus en plus indignée. Le parti patriote dirigeait la fureur populaire.
Les habitants de plusieurs paroisses se soulèveront en 1837. Le 18 novembre, on établit un camp fortifié à Saint-Charles et pour le défendre, on s’attaque à l’armée anglaise qui approche : c’est la victoire de Saint-Denis (le 21 novembre) qui se termine avec la mort d’une trentaine d’Anglais et de 12 patriotes. Deux jours plus tard, les patriotes sont vaincus à Saint-Charles. Sur les 80 combattants qui attendaient l’armée anglaise, 33 sont tués et 32 faits prisonniers. C’est la fin de la rébellion dans la vallée du Richelieu.
Il devait y avoir 12 ou 15 combattants de Belœil à Saint-Charles. Cinq moururent au combat, ce sont : l’huissier Étienne Guertin, le cultivateur Pierre Hébert-Lambert, le journalier Louis Saint-Jean et les jeunes Marc Janotte et Louis Lévesque. C’est en leur souvenir qu’on a
installé un monument le long de la rue Richelieu, à l’arrière de l’hôtel de ville. Un patriote fut blessé : le bedeau Jacques Brien dit Desrochers. Les autres combattants connus ou présumés sont les cultivateurs Augustin Adam, Isaac Raynaud, Toussaint Brodeur, Alexis Galipeau et Antoine Préfontaine.
Il est important de savoir que la quasi-totalité des combattants de Belœil à Saint-Charles était des agriculteurs ou des journaliers et qu’ils résidaient dans la partie de la paroisse voisine de Saint-Marc, au Ruisseau.
Les chefs patriotes de Belœil (sauf Antoine Préfontaine) qui résidaient au village, restèrent dans leur lit le matin du 25 novembre. C’étaient surtout le marchand et capitaine Prudent Malot, le docteur Jean-Baptiste Allard et le notaire Gédéon Coursolles. La petite bourgeoisie de Belœil avait beaucoup à perdre d’un engagement contre le gouvernement; un marchand avouera « Tu dois comprendre que ma fortune dépend du gouvernement anglais ». L’avancement social du médecin et du notaire nécessitait de leur part de la prudence dans leur engagement.
Mais alors pourquoi les marchands et professionnels de Saint-Denis et Saint- Charles s’impliquèrent-ils dans la rébellion et pas ceux de Belœil? Je l’attribue à la plus grande assurance économique des dirigeants des deux paroisses voisines, qui étaient très dynamiques, prospères, ambitieux et assez puissants pour prendre des risques politiques. À Belœil, l’élite paroissiale n’avait pas d’envergure économique; elle était beaucoup plus craintive.
En 1995, 158 ans plus tard, les Québécois eurent à faire des choix analogues lors du referendum sur la souveraineté. Derrière ce choix politique se profilaient des considérations économiques qui eurent une influence déterminante sur le scrutin.
Pour en savoir plus sur les patriotes de Belœil, on peut lire, de Pierre Lambert, Les Patriotes de Belœil, Éditions du Septentrion, 1994.
— Pierre Lambert, 1994 (mis à jour en 2020)