Capsules d'histoire - Autres
Nous sommes des survivants, des rescapés !!!
Lors de mon 82e anniversaire le 29 janvier 2002, je reçus plein de témoignages d’amitié dont un, parvenu d’Alfred Schraenen, était accompagné d’un texte qu’un parent belge lui fit tenir, qui résume avec humour le nombre et la variété de choses nouvelles auxquelles ceux qui, comme moi, sont nés avant 1940, ont dû s’ajuster. C’est avec plaisir que je le partage avec les lecteurs de l’Oeil Régional.
Nous sommes nés avant la télévision, la pénicilline, les produits surgelés, les photocopies, le plastique, les verres de contact, la vidéo et le magnétoscope. Nous étions là avant les radars, les cartes de crédit, la bombe atomique, le rayon laser, avant le stylo à bille, avant le lave-vaisselle, les congélateurs, les couvertures chauffantes, avant la climatisation, avant les chemises sans repassage, avant que l’homme marche sur la lune.
Nous nous sommes mariés avant de vivre ensemble. La vie en communauté se passait au couvent. Le « fast-food », pour les anglophones, était un menu de carême et un « big Mac » était un imperméable. Il n’y avait pas de mari au foyer, pas de congé parental, pas de télécopie ni de courrier électronique.
Nous datons de l’ère d’avant les HLM et d’avant les « Pampers ». Nous n’avions jamais entendu parler de la modulation de fréquence, du cœur artificiel, de transplant, de machines à écrire électrique, ni de jeunes gens portant une boucle d’oreille. Pour nous, un ordinateur était quelqu’un qui conférait un ordre ecclésiastique, une puce était un parasite et une souris était un repas pour un chat. Les paraboles se trouvaient dans la Bible, pas sur les toits ! Un site était un point de vue panoramique, un CD-Rom nous aurait fait penser à une boisson jamaïquaine, un joint empêchait un robinet de goutter, l’herbe était pour les vaches et une cassette servait à ranger des bijoux. Un téléphone cellulaire aurait été installé dans un pénitencier. Le rock était une matière géologique et made in Taïwan était de l’exotisme.
Mais nous étions sans doute de bonne race, robuste et vivace, quant on songe à tous les changements qui ont bouleversé le monde et à tous les ajustements que nous avons su négocier. Pas étonnant que nous nous sentions parfois sûrs de nous et fiers d’avoir pu sauter le fossé entre nous et la génération d’aujourd’hui. Grâce à Dieu, nous sommes toujours là. Nous sommes, après tout, un bon cru.
— Michel Clerk, 2002