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Lac Hertel mont Saint-Hilaire

Le lac Hertel vue du Pain de sucre du mont Saint-Hilaire. Photographie de Louis-Philippe Martin, SHGBMSH. Fonds Armand Cardinal

Le mont Saint-Hilaire, une montagne très spéciale

Le mont Saint-Hilaire est une des collines montérégiennes situées dans les basses terres du Saint- Laurent, dans la partie sud de la province de Québec.

La naissance de la montagne
Il y a 124 millions d’années, la région avait l’aspect d’une vaste plaine couverte de roche sédimentaire calcaireuse appelée schiste. Tout à coup, de puissantes poussées de magma, roche fondue provenant des profondeurs déjà Terre, soulevèrent la croûte terrestre, créant dix protubérances reparties sur les 250 kilomètres qui s’étendent d’ouest en est d’Oka à Mégantic.
Bien que le magma ait soulevé la croûte schisteuse a deux fois l’altitude qu’ont ces collines de nos jours, aucune éruption de feu, de gaz, de poussière ou de lave ne s’ensuivit. C’est dire que les collines montérégiennes : Oka, Mont Royal, Saint-Bruno, Saint-Hilaire, Saint-Grégoire, Rougemont, Yamaska, Shefford, Brome et Mégantic, n’ont jamais 6te des volcans.

Les glaciations ont érodé la montagne
Depuis la période crétacée, d’épaisses couches de glace mesurant jusqu’à 3 km d’épaisseur sont descendues lentement du pôle nord et ont arasé la calotte de schiste qui recouvrait le mont Saint-Hilaire, en mettant à nu le magma refroidi et solidifié. De fait, le mont Saint-Hilaire est constitue de deux sortes de magmas : la moitié ouest est composée d’essexite, pierre grise à granularité moyenne, contenant de la labradorite de la hornblende, de la biotite, des oxydes de fer et de la néphéline, tandis que la moitié est composée de syénite à néphéline de couleur gris verdâtre à texture porphyrique. L’essexite et la syénite mises à nu ont subi l’assaut répété des glaciations jusqu’au point ou le mont Saint-Hilaire, qui autrefois surplombait de 800 mètres la plaine environnante, ne s’élève plus aujourd’hui qu’à 412 mètres au-dessus de niveau de la mer.

Un piémont fascinant encercle la montagne
À environ un quart de sa hauteur, le mont Saint-Hilaire est ceinture d’un plateau fertile en dépôts de sable, de gravier et de cailloux. Ce plateau et ses dépôts alluviaux sont les témoins des anciennes plages de la mer de Champlain. Si l’on s’en donne la peine, on y trouve des coquillages et de fossiles. Dans une sablière du côté de Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville, on a découvert, en 1964, le squelette d’un dauphin préhistorique.

La mer de Champlain
Lorsque le réchauffement de la planète a fait fondre les glaces de la dernière période glaciaire, les basses-terres du Saint-Laurent ont été infondées par une vaste étendue d’eau appelée mer de Champlain qui recouvrait tout le sud du Québec à partir du Témiscamingue jusqu’à l’état du Maine. Il n’en reste aujourd’hui que le fleuve Saint-Laurent, la rivière Richelieu et le lac Champlain. En se retirant, la mer de Champlain nous a laisse comme cadeau un riche limon argileux, excellent pour I’agriculture qui a valu a la plaine du Richelieu l’appellation de Jardin de la province.

Des trésors minéralogiques
Au cours de l’évolution de notre planète, la nature a déposé des éléments chimiques en certains endroits très précis. L’action de la chaleur, de la pression et du temps ont transformé ces éléments en véritables trésors minéralogiques. On peut en trouver des concentrations au New Jersey, en Suède, en Russie, en Norvège et au Groënland et au mont Saint-Hilaire. Notre montagne est l’une des sources les plus fécondes de minéraux rares et spectaculaires du globe. La quantité de minéraux uniques qui s’y trouvent en font un gisement exceptionnel. Plus de 200 espèces y ont été identifiées, dont certaines ne se trouvent nulle part ailleurs au monde et d’autres, qu’en des sites lointains. Le mont Saint-Hilaire constitue le local type pour 15 espèces de minéraux, dont plusieurs sont, les plus beaux qu’on puisse trouver.

Découverte et développement du mont Saint-Hilaire
Le grand géographe et colonisateur Samuel de Champlain, remontant la rivière Richelieu lors de son voyage d’exploration en 1609, remarqua et décrivit le mont Saint-Hilaire.
Cent ans plus tard, le militaire Jean-Baptiste Hertel, escalada la montagne jusqu’au pain de sucre et s’exclama d’admiration « quel bel œil » en apercevant l’immense forêt coupée par le ruban argente du Richelieu qui s’étendait a ses pieds, C’est a cette occasion qu’il choisit l’emplacement de sa future seigneurie.Cinq générations d’Hertel se succédèrent comme seigneurs de Rouville, jusqu’en 1844 alors que René Hertel vendit le domaine à Thomas Edmund Campbell.

L’essor de l’agriculture et de l’industrie
Le seigneur Campbell administra fort adroitement son domaine, développa l’agriculture, la pomiculture, les nombreux moulins de la montagne, construisit l’Hôtel iroquois, ouvrit Otterburn Park. Il institua à Saint-Hilaire deux écoles pour filles et garçons. À sa mort, il laissa une seigneurie florissante. Ses fils, hélas, n’eurent pas la main si heureuse et liquidèrent, l’un après l’autre, les avoirs de la seigneurie. En 1913, la montagne fut vendue à Hamilton Gault au prix de 35 000 $.

Un domaine privé ouvert au public
Pour Hamilton Gault, la montagne constituait, parmi ses nombreux pied-à-terre repartis des deux cotés de l’Atlantique, sa résidence préférée. Ayant à coeur de conserver intacte après sa mort ce domaine : qu’il estimait « le plus précieux de mes biens », il légua par testament la montagne à l’université McGill. Le Mont Saint-Hilaire est une réserve mondiale de la biosphère reconnue par l’UNESCO ainsi qu’un refuge d’oiseaux migrateurs. Cela n’exclut pas que de grands espaces de la montagne, le lac Hertel, 20 km de sentiers pédestres et un centre d’interprétation de la nature sont ouverts au public en toutes saisons. Sachons en profiter.

— Michel Clerk, 1994