Capsules d'histoire - Commerce et industrie

Les premiers artisans de Belœil

Au centre, le presbytère de Mont-Saint-Hilaire construit par l’artisan de Belœil François Desranleau dit Châteauneuf, tel qu’il apparaissait à l’origine. SHBMSH, fonds Pierre-Lambert.

À Belœil, il n’y a pour ainsi dire plus d’artisans. La population achète maintenant des produits fabriqués en série. Autrefois, pourtant, il y avait beaucoup d’artisans qui fournissaient aux paroissiens ou aux villageois les différents objets dont ils avaient besoin. Au milieu du XIXe siècle, pour une population à Belœil de 2 200 habitants, il n’y avait pas moins de 60 artisans à offrir leurs services.

Les tout premiers artisans de Belœil étaient très souvent des cultivateurs qui exerçaient une occupation artisanale pour améliorer leur condition financière. Les premiers artisans de Belœil (de 1750 à 1815) appartenaient à huit corps de métiers : c’étaient des maçons, des forgerons, des menuisiers, des meuniers, des tisserands, des cordonniers; il y avait aussi un charron et un boucher. Ils arrivaient pour la plupart des paroisses voisines plus anciennes; seulement 20 % vivaient déjà à Belœil au moment d’être connus comme artisans. Certains d’entre eux exerçaient leur métier dans une boutique ou un atelier; c’était le cas des forgerons, des menuisiers et des cordonniers, auxquels il faudrait ajouter les meuniers qui travaillaient à leur moulin. Ces artisans ne possédaient pas de terre, mais un petit lopin sur lequel ils avaient un jardin et des animaux, au village la plupart du temps. Les autres artisans (les maçons, les tisserands, le boucher, le charron) vivaient sur une terre.

La vie n’était pas facile pour ceux qui voulaient à tout prix ne vivre que de leur métier. La plupart devaient quitter la paroisse au bout de cinq à dix ans faute de revenus suffisants; seuls les forgerons et les menuisiers, avec le temps, en vinrent à s’assurer une clientèle suffisante pour demeurer à Belœil parfois jusqu’à leur retraite. Ceux qui devaient s’en aller pour gagner leur vie se dirigeaient soit vers de nouvelles paroisses ou ils seraient les premiers à s’installer, comme à Saint-Hilaire ou à Saint-Jean-Baptiste, ou vers des paroisses plus anciennes ou l’augmentation de la population rendrait peut-être possible la subsistance d’un nouvel artisan. Il y avait donc autrefois un va-et-vient important chez nos artisans et ceux qui s’impliquaient activement dans la vie paroissiale étaient assez rares. Sur 40 artisans dont nous avons suivi l’existence de 1750 à 1815, seulement 4 occupèrent des charges à Belœil, un comme marguillier, deux comme                                                      inspecteurs des chemins et des ponts et un comme syndic d’école.

De tous ces obscurs artisans des origines, y en a-t-il dont on devrait retenir le nom? Oui. Je pense que deux d’entre eux ont eu des vies importantes qu’il faudrait souligner. D’abord, François Desranleau dit Châteauneuf un maçon qui eut une carrière importante de 1785 à 1820. Desranleau fut l’un des plus importants constructeurs d’églises du Bas-Richelieu à cette époque. Il construit l’église de Saint-Mathias, de 1784 à 1788, le presbytère-chapelle de Saint-Hilaire en 1797-1798, l’égalise de Marieville de 1810 à 1813, et reconstruit l’église de Belœil en 1818. En plus, il apporte son expertise à l’occasion de la construction de l’église de La Présentation en 1814 et de la reconstruction de celle de Saint-Charles en 1815.

Le deuxième est le forgeron Jean-Baptiste Dufresne, qui arrive à Belœil en 1806 et qui s’intègre rapidement dans la petite société paroissiale. Il deviendra officier de milice et sera syndic de l’école pendant 20 ans. Il participera à la rébellion de 1837-1838 d’une façon active en rassemblant des armes pour les patriotes. Il était le père de Mélodie Dufresne, co-fondatrice des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie, et amie d’Eulalie Durocher.

— Pierre Lambert, 1994 (mis à jour en 2020)