Capsules d'histoire - Commerce et industrie

Les premiers marchands de Belœil

 

Le marchand Joseph Cartier. Pastel de Louis Dulongpré, 1803. SHBMSH, fonds Pierre-Lambert.

Qu’est-ce que l’on connaît des premiers marchands de Belœil? Qui étaient-ils? Rappelons en commençant qu’à l’instar des professionnels, les marchands ne purent s’installer dans la paroisse qu’au bout d’une cinquantaine d’années de développement, lorsque la clientèle devint assez nombreuse pour faire vivre son marchand. Auparavant, les Belœillois se rendaient dans les plus anciennes paroisses, comme Chambly, Varennes, Verchères ou Saint-Denis ou encore attendaient le passage du marchand colporteur pour s’approvisionner en marchandises diverses.

Les premiers marchands ne s’installèrent à Belœil qu’après un demi-siècle de colonisation, vers 1770. Sur une période de 45 ans, nous en avons identifié 15. Ils possédaient des magasins généraux au village, près de l’église. Ils achetaient les récoltes des paysans et vendaient des marchandises variées : ferronnerie, tissus, rhum, etc.

Parmi les marchands les plus remarquables, mentionnons Jean-Baptiste Dumon, marchand à son compte puis commis-marchand pendant plus de 40 ans, un cas exceptionnel. Arrivé de Québec à la même époque que le curé François Noiseux, il se crée graduellement une clientèle, mais sa situation financière se détériore peu à peu. En 1787, il part pour les États-Unis essayer de récupérer de l’argent que l’armée américaine avait emprunté de son père lors du siège de Québec en 1776. Mais c’est peine perdue.

Revenu à Belœil et sans le sou, il dut s’engager comme commis-marchand chez James Finlay, un nouveau négociant installe à Belœil depuis 1800. Jean-Baptiste Dumon était le père d’Alphonse Dumon qui se fit construire en 1844 la belle maison de pierres près de la bibliothèque municipale; c’est la maison Villebon, dont le nom vient du neveu de ce dernier, Charles-Henri Vilbon Huot.

Le principal concurrent de Jean-Baptiste Dumon fut Joseph Cartier, arrivé à Belœil presque en même temps (vers 1773). Cartier appartenait à la célèbre famille des marchands Cartier, de Saint-Antoine et de Saint-Denis et dont un membre sera George- Étienne Cartier, un des Pères de la confédération canadienne. Le Cartier de Belœil ne sera pas aussi habile que ses frères et ses neveux et il fera faillite. Il déménagea à Saint-Denis en 1787, puis a Saint-Hyacinthe en 1794 où il devint un commerçant prospère.

Le plus riche des marchands à l’origine de Belœil fut James Finlay (1766-1830), négociant de 1800 à 1814. Dès son arrivée à Belœil, il achète le meilleur emplacement commercial du village, c’est-à-dire le gros édifice en pierre (qu’on appellera plus tard le Vieux-Moulin) construit près du quai et qui servira de hangar. Avec une clientèle qui s’étendait jusqu’à Saint-Charles et Saint-Hyacinthe, c’était un marchand important qui se retira à Montréal en 1814.

Aucun des marchands de Belœil n’atteignit la stature de certains marchands de Chambly, de Saint-Denis ou de Saint-Antoine qui se transformèrent en grossistes et expédièrent parfois des cargaisons de céréales jusqu’à Québec. Belœil demeura une paroisse secondaire parce qu’elle était moins peuplée et surtout parce que ses marchands se cantonnaient dans le commerce de détail et n’avaient pas l’audace de s’acheter des goélettes pour vendre leurs grains dans la vallée du Saint-Laurent.

— Pierre Lambert, 1994 (mis à jour en 2020)