Capsules d'histoire - Culture et Société
Et les femmes, quelle était leur place autrefois à Belœil ?
Quelle était la place des femmes dans la petite société de Belœil autrefois ? Si l’on ne considère pas les données arides de l’état civil (la liste des baptêmes, des mariages et des sépultures conservée au presbytère ou aux Archives nationales) ou des recensements, la moisson d’informations n’est vraiment pas très grande. Évidemment, on possède des bribes de renseignements pour d’autres paroisses, surtout Montréal et Québec, qu’on pourrait appliquer à Belœil, mais ce n’est pas l’idéal.
On sait que dès la naissance les bébés masculins mouraient en nombre beaucoup plus important; c’est le phénomène de la surmortalité masculine, qui atteignait à Belœil 65 % certaines années. Le monde de l’enfance était beaucoup un monde de filles. Mais les maladies, les épidémies frappaient beaucoup les enfants, notamment durant les mois de mai à octobre. Juillet et août amenaient des maladies gastro-intestinales, d’autant plus que l’eau n’était pas toujours potable et que les puits pouvaient être contaminés. À compter de l’adolescence et durant tout l’âge adulte, les femmes connaîtront des taux de mortalité plus élevés, à cause, évidemment, des nombreuses grossesses.
Les jeunes adolescentes se dirigeaient presque toutes vers le mariage. L’âge de la majorité était de 21 ans mais bien au-delà de la moitié (57 % en 1801 et 1811) étaient encore mineures au moment de convoler. Le destin des femmes belœilloises, envisagé deux cents ans plus tard, paraît avoir été souvent très uniforme dans le cadre familial. On sait que les veuves, souvent, se déchargeaient de la gestion de la ferme en confiant les travaux agricoles à des fermiers ou des journaliers. Mais ces femmes, la plupart du temps, se remariaient à la fin de leur deuil.
Les inventaires après décès nous apprennent que quelques Belœilloises détiennent des créances auprès des défunts. Qui étaient ces femmes ? Des couturières ? Des modistes ? Des sages-femmes ? Des domestiques ? Les sages-femmes sont les seules, à ce jour, dont on connaît l’existence, et si peu d’ailleurs.
Les femmes qui se dégageaient de l’anonymat il y a deux siècles étaient très rares. Il est certain que les épouses bourgeoises font partie de celles-là. On possède parfois le portrait de ces femmes, et on peut se faire une idée de leur habillement. Sans doute ces femmes de marchand ou de professionnels étaient-elles entourées de domestiques qui leur rendaient la vie douce.
Certaines femmes se réalisaient dans une vie en dehors de la famille : celles qui devenaient religieuses. Encore là, faut-il distinguer celles qui étaient d’humbles Sœurs qui se sont fondues dans l’anonymat, de celles dont le talent leur assura de plus grandes responsabilités. Ces dernières purent connaître des carrières remarquables.
À Belœil, deux femmes, les sœurs Dumon, devinrent marchandes et occupèrent une place vraiment à part dans la petite société de la paroisse. Elles réussirent pendant plus de quinze ans à mener des affaires profitables et devinrent des personnages importants de Belœil.
— Pierre Lambert, 1999, (mis à jour en 2020)