Capsules d'histoire - Culture et société
Pas d’arpentage et c’est la chicane de clôture !
Pierre Lambert, SHGBMSH
Le sens de la propriété privée a toujours été développé dans le Québec rural et l’on raconte que nos ancêtres allaient facilement en procès pour des querelles de clôtures ou de bornages des terres. L’arpenteur était un personnage très important à cette époque, car c’est lui qui démarquait les limites de chacune des terres concédées par le seigneur, et qui était rappelé au moment de la subdivision des lots pour préciser à nouveau les limites des propriétés.

Une scène de Belœil et du mont Belœil [mont Saint-Hilaire], vers 1838, par Philip John Bainbrigge, aquarelle, avec pinceau et lavis brun sur crayon sur papier vélin, 15,6 x 22,5 cm. (BAC, 2833580, http://central.bac-lac.gc.ca/.redirect?app=fonandcol&id=2896134&lang=fra&ecopy=c011834k)
Dans le cas de la seigneurie de Belœil, concédée en 1694, mais où les premiers colons s’installèrent une trentaine d’années plus tard, les procès-verbaux laissés par les arpenteurs permettent de connaître dans quelles circonstances les cultivateurs s’établirent le long du Richelieu. Le plus ancien de ces documents dont nous connaissions l’existence remonte à 1730 et il nous en apprend beaucoup sur les arpentages d’autrefois.
À cette époque, les techniques d’arpentage n’étaient évidemment pas très développées, mais les résultats obtenus étaient remarquables malgré tout. L’arpenteur savait dès le départ que toutes les terres devaient être parallèles et orientées très précisément du « sud-ouest un quart sud au nord-ouest un quart nord », c’est-à-dire selon la disposition actuelle où les terres présentent un angle de 30 ou 40 degrés par rapport au Richelieu, dans le prolongement des terres situées le long du Saint-Laurent.
Mais comment fixer des bornes en pleine forêt ? On installait à l’endroit désiré des pierres hautes et pointues servant facilement de repère, les pierres en question étant placées sur des morceaux de poterie afin qu’il n’y ait aucun malentendu sur la signification de ces repères. De cette façon, on pouvait espérer avec un peu de chance que les limites entre les terres ne seraient pas trop difficiles à retracer en cas de besoin.
Un arpenteur de cette époque écrit : « j’ai posé deux bornes distantes L’une de L’autre de dix perches [une perche égale 5,8 m] La Borne du Bord de l’eau est un gros caillou Large en Bas et un peu plus Etroit en haut avec un morceau de terrine dessous pour Lui servir de marque et La Borne de la profondeur est un fort gros Caillou de même nature et même marque »
C’était il y a 275 ans à Belœil[1].
[1] Cette capsule a paru pour la première fois dans le bulletin Le Passeur de janvier 2001. Le nombre d’années a été mis à jour en avril 2025.
La capsule a paru dans L’Œil régional, 29 avril 2025, p. 21.