Capsules d'histoire - Notables et ancêtres

Charles Le Moyne, seigneur de Belœil

 

Charles Le Moyne, seigneur de Belœil. SHBMSH, fonds Pierre-Lambert.

Même si la seigneurie de Beloeil a d’abord été concédée à Joseph Hertel, il faut bien reconnaître que c’est avec l’arrivée de Charles Le Moyne, son deuxième seigneur, que le développement a commencé.

Charles Le Moyne menait déjà une brillante carrière lorsqu’il acheta la seigneurie de Belœil en 1711. Il était né à Montréal en 1656 mais avait été élevé en France et s’y était marié. Revenu en Nouvelle-France à 27 ans, il se lançait dans la carrière des armes et commençait à développer la seigneurie de Longueuil dont il hérita en 1684. Il s’illustre tellement comme militaire et diplomate que le roi Louis XIV l’anoblit en le nommant baron en 1700. Il devient plus tard chevalier de Saint-Louis, major de Montréal et les autorités coloniales, toujours satisfaites de lui, consentent à des augmentations de sa baronnie de Longueuil.

C’est donc un homme influent qui acquiert la seigneurie de Belœil en 1711 et qui obtient en 1713 qu’elle soit agrandie vers l’intérieur des terres (là où sont actuellement Sainte-Julie et Saint-Amable). Au cours des années suivantes, il fait des « cadeaux » à ses parents et amis en leur donnant à Belœil de vastes domaines qu’on appelle des arrières-fiefs. Il est beaucoup plus préoccupé par sa carrière militaire et politique que par sa seigneurie de Belœil qui ne représente pas grand-chose pour lui.

Lorsqu’il ouvre la seigneurie à la colonisation, Charles Le Moyne se réserve deux vastes étendues de terre à son usage. La première est le domaine seigneurial localisé à l’endroit du quartier de l’ancienne gare de Belœil en direction de McMasterville et où le Richelieu fait une courbe qui permet d’avoir un très bon point de vue sur la circulation des bateaux; à cette époque, cet endroit faisait voir un rapide encombré de plusieurs blocs rocheux; on pouvait même traverser à cheval sur l’autre rive.

C’était un endroit stratégique ou Le Moyne aurait pu se construire un manoir seigneurial. Mais le baron possède déjà son château-fort à Longueuil et c’est de là qu’il s’occupera de l’administration de sa seigneurie; d’ailleurs, il ne vient jamais sur les rives du Richelieu. Belœil n’aura donc jamais de manoir seigneurial, comme Rouville en aura un plus tard.

L’autre domaine réserve par Le Moyne est une étendue propice à I’installation d’un moulin à eau sur le ruisseau de Belœil dont les deux bras se réunissent pour aller se jeter dans le Richelieu. L’embouchure du ruisseau est toutefois située dans la seigneurie de Cournoyer (Saint-Marc). Ce n’est pas tellement là le problème, c’est plutôt que le débit du ruisseau est très faible, à peine suffisant pour faire fonctionner un moulin au printemps. Le premier moulin ne sera d’ailleurs construit que vers 1760.

En plus de ces deux domaines, le seigneur Charles Le Moyne avait réserve dès les origines (vers 1723-1725) un endroit pour la construction d’une première église, pas tellement loin de son domaine seigneu­rial, là où se trouve la rue Orsali aujourd’hui. Pendant plusieurs années, cet endroit ne fut pas cultivé, dans l’attente d’une église qui ne fut jamais construite.

En 1768, lorsque le moment de construire une chapelle se présenta, l’endroit choisi se trouvait à peu près à mi-chemin des limites sud (vers Chambly et nord (vers Saint-Marc) de la seigneurie, ce qui était le meilleur choix pour les personnes éloignées de l’église.

Mais ne peut-on pas penser que si Belœil avait eu un manoir où son seigneur avait résidé; la première chapelle puis les églises subséquentes auraient été construites sur le terrain seigneurial à l’endroit de la rue Orsali plutôt que de Saint-Mathieu. Le village aurait commencé à se former à cet endroit et la ville d’aujourd’hui serait probablement très différente…

 

— Pierre Lambert, 1994 (mis à jour en 2020)