Capsules d'histoire - Notables et ancêtres

 

Henriette-Julie Juchereau Duchesnay

 

Henriette-Julie Juchereau Duchesnay 1813-1873.

Henriette-Julie Juchereau Duchesnay née en 1813 à la seigneurie de son père à Beauport a eu une vie bien remplie. Mariée à Saint-Ours au Québec au major Thomas Edmund Campbell en 1841, elle l’a suivi en Angleterre où ses deux premiers enfants sont nés. De retour au Québec trois années plus tard, elle a accompli ses devoirs de seigneuresse au manoir maintenant appelé Rouville-Campbell jusqu’en 1872. Sept autres enfants sont nés dont une seule fille qu’elle a éduquée selon les principes catholiques. Elle a même fait construire un couvent d’une centaine de places pour que celle-ci puisse recevoir l’instruction catholique. Ses garçons ont vécu dans la plus pure tradition anglicane, tout comme son mari.

Premières années

Henriette-Julie Juchereau Duchesnay est née à Beauport au Québec le 19 septembre 1813 et y est baptisée le lendemain à la paroisse catholique La Nativité de Notre-Dame. Elle est la fille de Michel-Louis Juchereau Duchesnay 1,officier, et de Charlotte-Hermine-Louise-Catherine de Salaberry. Elle est aussi la petite-fille d’Ignace-Michel-Louis-Antoine d’Irumberry de Salaberry 2. Elle passe son enfance à la seigneurie de Fossambault, propriété de son père.

En 1841, âgée de vingt-huit ans, elle voit son destin changer lorsqu’elle rencontre le major Thomas Edmund Campbell, militaire anglais, envoyé au Canada pour mater un soulèvement de rebelles patriotes à Chateauguay 3 en 1838.

Mariage

Elle se marie au Manoir de Saint-Ours 4 le vingt-cinq novembre 1841. Le mariage est béni par le recteur de l’église anglicane de William Henry 5. L’acte de mariage rédigé en anglais est fort instructif :
« Thomas Edmund Campbell, Esquire, Major in her Majesty Seventh Regiment of Hussards Bachelor was married by license, at the Manor House of St-Ours, to Henriette Julie Anne Juchereau Duchesnay, of St-Ours, Spinster, this twenty fifth of November, in the year of our Lords one thousand eight Hundred and forty one:
—By me William Henderson Rector of William Henry. Signatures… »

Henriette-Julie n’est pas devenue anglicane pour autant en vertu d’une entente avec son mari qui verraient les fils à naître devenir anglicans tandis que les filles seraient élevées dans la foi catholique.

Enfants et vie au manoir Campbell

Après son mariage, elle accompagne son mari à Brighton en Angleterre et c’est là 6  que naissent les premiers enfants : Edmund Alexander Charles en 1843 et Archibald Grey en 1844. Plus tard en 1844, Thomas Edmund Campbell se voit offrir la seigneurie de Rouville incluant le mont Saint-Hilaire, cédée par les derniers seigneurs Hertel de Rouville alors criblés de dettes, et s’empresse de l’acheter. La petite famille déménage donc au Manoir de Rouville au bord de la rivière Richelieu. Les enfants se succèdent : Thomas Juchereau en 1846, Bruce Frederic en 1848, Marie-Hermine-Laura en 1850, la seule fille, Robert Peel William en 1853, Duncan Joseph D’Urban en 1855, Patrick Eire Donald en 1857 et Colin Augustus Monk en 1860. Leurs huit garçons tous anglicans en vertu de l’arrangement prévu lors du mariage ont étudié au Bishop’s College School à Lennoxville au Québec.

Henriette-Julie commence à vivre à St-Hilaire vers 1846 7 avec ses premiers enfants. Son mari fait rénover et agrandir le manoir selon le style Tudor des Inverawes, demeure de son clan natal en Écosse 8 . Henriette, tout en consacrant son temps à l’éducation de ses nombreux enfants, s’occupe de la vie mondaine de la seigneurie. Elle y reçoit de nombreux dignitaires dont celui qui sera le futur Édouard Vll en 1901.

Elle n’a jamais porté officiellement le titre de seigneuresse. Au décès du major Campbell, la seigneurie est cédée en héritage à leur fils aîné Edmund Alexander Charles qui la vendra à ses frères: Archibald, Bruce, Robert, Donald et Colin. Sept des garçons et leur père sont inhumés au mausolée familial dans le cimetière anglican de St. Stephens à Chambly. Bien que le système seigneurial a été aboli en 1854, les Campbell ont géré leur domaine maintenant privé comme s’il y était toujours soumis.

Projet du couvent

Constatant qu’il y a de la mixité à l’école de St-Hilaire, ce qui n’est pas conseillé par les préceptes de la religion catholique d’alors, Henriette-Julie décide de faire construire un couvent 9 derrière l’église du village de St-Hilaire. Son mari a participé au financement et Henriette use de son influence auprès de Mère Marie-Rose (Eulalie Durocher) qui vient tout juste de fonder la communauté des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie vouée à l’enseignement des jeunes filles. Au bout de quelques années, elle obtient gain de cause et le couvent est inauguré en 1856 10 . Laura, l’unique fille du couple décède en 1862 à l’âge de douze ans 11 et est enterrée dans la crypte du couvent 12 . La mère, Henriette-Julie, y est aussi enterrée lors de son décès le 17 juin 1873. En mention marginale du registre 13 , l’on a inscrit « du couvent », laissant penser qu’elle y réside depuis la mort de son mari en 1872. Deux plaques funéraires rédigées en anglais sont apposées au mur de la chapelle.

Héritage de Henriette-Julie

Elle est très dévouée pour les paroissiens et obtient auprès de son mari le financement pour la rénovation de l’Église de St-Hilaire et la construction d’un banc seigneurial en noyer intégrant les armoiries de la famille du seigneur. Le développement de St-Hilaire s’est accéléré avec la venue de Thomas Edmund Campbell et de Henriette-Julie Juchereau Duchesnay. L’instruction des jeunes filles, la construction de moulins, la vente de terres à des censitaires, l’industrie de la pomme et la venue du chemin de fer sur les terres de la seigneurie en sont quelques exemples 14.
Bien que peu présente dans les affaires officielles de la seigneurie Campbell, Henriette a laissé sa trace dans l’histoire de Mont-Saint-Hilaire 15 . L’on se rappellera surtout d’elle comme d’une personne ayant vécu ses croyances jusqu’au bout, conciliant tous ses rôles 16 . Elle a su se faire respecter dans ses choix même douloureux, comme celui que les membres de la famille ne soient pas tous ensevelis au même endroit.

Références

1. Assemblée nationale du Québec, « Thomas Edmund CAMPBELL (1811-1872) » [archive] (consulté le 27 mai 2021)
2. Assemblée nationale du Québec, « Ignace-Michel-Louis-Antoine d’IRUMBERRY DE SALABERRY (1752-1828) » [archive] (consulté le27 mai 2021)
3. « Dictionnaire biographique du Canada » [archive]
4. Anne-Marie Charuest, « L’histoire en images, Le manoir seigneurial de Saint-Ours », Histoire Québec, 22-1,‎ 2016, p. 36-37 (e-ISSN 1923-2101)
5. Nom de la ville de Sorel entre 1781 et 1860, nommé en l’honneur du Prince William Henry d’Angleterre qui fut de passage à Sorel en 1777.
6. Edmund Alexander Charles Campbell dans Sélection de naissances et baptêmes, Angleterre, « Baptême, 18 octobre 1843, St.Peter, Brighton » [archive] (consulté le 27 mai 2021)
7. J.Roger Cloutier, « L’album photo familial du seigneur Thomas Edmund Campbell de Rouville », Cahier d’histoire, Société d’histoire de Beloeil-Mont-Saint-Hilaire,‎ juin 2014, p. 3-40
8. Pierre Gadbois, « John Wells serait-il l’architecte du manoir Rouville-Campbell ? », Cahier d’histoire, SHGBMSH,‎ juin 2018, p. 3-20
9. Roland Boutin, « Le Couvent de Saint-Hilaire (première partie) », Les Cahiers d’histoire de la Société d’histoire de Beloeil-Mont-Saint-Hilaire,‎ juin 1995, p. 3-9 (lire en ligne [archive])
10. Pierre St-Germain, Patrimoine hilairemontais, Notes pour panneaux historiques du noyau paroissial de Mont-Saint-Hilaire.
11. Isabelle Laramée, « La petite histoire du couvent de Saint-Hilaire », Vallée-du-Richelieu,‎ 19 février 2012 (lire en ligne [archive])
12. « Registre paroissial de St-Hilaire, gracieuseté de Généalogie Québec.
13. « Registre paroissial de St-Hilaire, gracieuseté de Généalogie Québec.
14. Alexis Tétreault coll. Benoît Grenier et als, Le cas de Rouville : Pouvoir, Statut social et Persistance de la figure du Seigneur in Le régime seigneurial au Québec, Fragments d’histoire et de mémoire, 2020 (ISBN 978-2-7622-0361-5), p. 54-81
15. Alain Côté et Véronique Bellemare Brière, « Mont-Saint-Hilaire, Naturellement fière », Continuité, no 104,‎ printemps 2005, p. 44-50 (lire en ligne [archive])
16. « Nécrologie, Henriette Juchereau Duchesnay », La Minerve,‎ 17 juin 1873

Disponible aussi sur Wikipédia

Bibliographie

J.Roger Cloutier, L’album photo familial du seigneur T. E. Campbell de Rouville, Cahier d’histoire de la Société d’histoire de la SHGBMSH., Mont-Saint-Hilaire, juin 2014, 40 p.

— Louise Pagé, 2021