Capsules d'histoire - Notables et ancêtres

Le premier seigneur de Belœil, Joseph Hertel

 

Nous ne possédons malheureusement aucun portrait, aucune effigie du premier seigneur de Belœil, Joseph Hertel. Si nous ne possédons pas son acte de baptême, des documents signés de sa main ont été conservé. SHBMSH, fonds Pierre-Lambert.

On ne sait pas beaucoup de choses des origines de Joseph Hertel, celui qui deviendra le premier seigneur de Belœil. Il était le fils de François Hertel et de Marguerite de Thavenet et il naquit à Trois-Rivières vers 1671; on n’a jamais retrouvé son acte de baptême.

Son enfance n’est pas très connue. Il fut évidemment élevé dans la religion catholique et reçut la confirmation en 1681. C’est à cette époque que ses parents lui font suivre les leçons d’un instituteur français qui avait fréquenté l’université de Paris, Pierre Bertrand.

Vers la fin des années 1680, Joseph Hertel commence sans doute à participer à des raids contre les Iroquois dans la région de Trois-Rivières et du lac Saint-Pierre, mais son nom n’apparaît pas cependant dans les documents de l’époque comme ce sera le cas de certains de ses frères.

Malgré tout, en 1693, son frère Jean-Baptiste, après avoir visité la région du Richelieu au cours de l’été, choisit un endroit au nord de Chambly (ou son père possède déjà une seigneurie) et prend la décision de demander au gouverneur deux seigneuries pour Joseph et pour lui, face à face, sur les rives du Richelieu, la ou sont aujourd’hui Mont- Saint-Hilaire et Belœil. Jean-Baptiste Hertel estime que son frère et lui méritent ces récompenses, car ils ont risqué leur vie plusieurs fois dans leurs luttes contre les Iroquois et les Anglais pour protéger la Nouvelle-France.

L’histoire officielle de Belœil commence le 18 janvier 1694, le jour où le gouverneur Frontenac accorda la seigneurie de Belœil à Joseph Hertel; celui-ci n’avait alors que 23 ans. Cependant, Hertel habitait toujours à Trois-Rivières à cette époque et il ne vint jamais s’installer dans sa seigneurie de Belœil.

À l’occasion d’un voyage à Saint-François-du-Lac, où habite de la parenté, Joseph Hertel fait la connaissance de Catherine Philippe, une jeune fille de 18 ans qu’il épouse en juillet 1698, lui-même a autour de 27 ans. Les deux jeunes mariés demeureront au moins un an chez les beaux-parents de Joseph, à Saint-François, puis ils déménageront à Chambly où Joseph Hertel va rejoindre ses parents et plusieurs de ses frères qui vivent autour de la maison seigneuriale, car son père François est alors devenu seigneur de Chambly.

Pendant ce temps là, il se passe des choses du côté du lac Saint-Pierre. Depuis de nombreuses années y vivent des Abénakis dont la France tient à tout prix à conserver l’amitié. L’officier qui représente le gouverneur et qui est le beau-père de Joseph Hertel, Antoine Planiol, meurt en 1705. La belle-mère Charlotte Giguère supplie Joseph Hertel de venir prendre charge de sa seigneurie de Pierreville, voisine de Saint-François. En même temps, Hertel s’occupera des rapports entre les Abénakis et les autorités de la colonie.

C’est ainsi que Joseph Hertel quittera Chambly pour s’établir à Pierreville où il demeurera jusqu’à sa mort. En 1722, le gouverneur Vaudreuil dira de lui : « Il a bien servi et sert actuellement pour gouverner les sauvages de Saint-François dans nos intérêts ». Il participe à des raids contre les Anglais de Nouvelle-Angleterre, à Deerfield, en 1704 et à Haverhill, en 1708.

À Saint-François, Joseph Hertel s’occupera de commerce avec les Abénakis en construisant un poste de traite près du fort des Amérindiens; comme on le sait, les Abénakis possèdent encore de nos jours une « réserve » près de Pierreville. Les activités de commerce d’Hertel l’entraîneront dans de très longues querelles avec les seigneurs de Saint-François qu’il est inutile de détailler ici.

Au cours de ces années, Joseph Hertel aura besoin de capital pour ses activités et il décidera donc de vendre la seigneurie de Belœil dans laquelle, d’ailleurs, il n’avait jamais mis les pieds. C’est le 25 février 1711 qu’il cède sa seigneurie à Charles Le Moyne, baron de Longueuil, qui devient ainsi le deuxième seigneur de Belœil.

Quant à Hertel, il continuera à s’occuper de commerce jusqu’à sa mort survenue soudainement au mois d’août 1723; il n’avait que 52 ans. Sa femme Catherine Philippe avait alors 43 ans et était enceinte d’un seizième enfant; dix enfants survivaient. La veuve déménagea à Montréal vers 1725 ou elle vécut sur la rue Saint-Paul. En 1730, elle vendait une partie de la seigneurie de Chambly dont son défunt mari avait hérité de son père. Elle mourut en 1757, résidant toujours à Montréal.

Parmi la descendance de Joseph Hertel, notons qu’une de ses petites-filles, Françoise-Catherine, épousa Ignace de Salaberry, le père du héros de Châteauguay, marié à Marie-Anne Hertel de Rouville. Après un demi-siècle, les lignées de Joseph et de Jean- Baptiste se trouvaient rapprochées…

— Pierre Lambert, 1994 (mis à jour en 2020)