Capsules d'histoire - Notables et ancêtres

Les anciens Belœillois sur le crédit?

Alors que le taux d’endettement au Canada atteint des sommets inégalés, on pourrait regretter l’ancien temps où les cultivateurs vivaient des produits de leur terre et ne s’endettaient pas de cette façon. Il faut être prudent là-dessus. Les études en histoire nous font voir que plusieurs cultivateurs passaient leur vie dans un endettement continuel. Même les marchands et les professionnels, même le curé, vivaient des périodes d’endettement qui s’étiraient parfois sur des années et auxquelles ils essayaient de mettre fin par toutes sortes de démarches.

Les papiers anciens fourmillent de reconnaissances de dettes, de billets, d’obligations, de sommations, d’ordonnances, de poursuites, d’assignations à comparaître et enfin de saisies lorsque les débiteurs se révélaient incapables de régler leurs dettes qui s’étaient étendues sur des années.

Il faut savoir au départ que les liquidités étaient rares. Le troc et le crédit étaient, sans jeu de mot, monnaie courante. Les cultivateurs allaient vendre le surplus de leur récolte au marchand du village. Le marchand lui-même possédait très peu de liquidités. Il obtenait son argent, entre autres, des grossistes montréalais ou du Bas-Richelieu qui achetaient les récoltes de la campagne. Mais le commerçant de Belœil devait lui-même acheter les marchandises générales qu’il écoulerait dans le village; lui aussi s’endettait. Même le seigneur faisait crédit. En juillet 1829, par exemple, Jean-Baptiste Burelle signait un billet à Jean-Baptiste-René Hertel de Rouville « pour valeur reçue en trente Minots de Bled ».

Au bout d’un certain temps, les créanciers s’impatientaient et faisaient parvenir des avertissements à leurs débiteurs. En octobre 1829, par exemple, le notaire Louis Bourdages écrivait au cultivateur Charles Galipeau; « Tenez pour certain que c’est la dernière fois que je vous préviens de me payer. Votre négligence Si Souvent répettée m’aigrit Et m’obligera de vous poursuivre Sous peu devant un commifsaire afin de ne pas attendre plus longtems ».

Même le curé Théophile Durocher perd patience en mai 1837 lorsqu’il fait envoyer (par huissier!) à Charles Galipeau une assignation à comparaître devant le juge Hertel de Rouville pour l’arrérage de rente d’un banc dans l’église de Belœil en 1834.

Quand la persuasion ne suffisait pas, il fallait parfois se rendre jusqu’à la saisie des biens. Charles Galipeau n’y échappera pas en 1824 lorsqu’un huissier se présentera chez lui pour évaluer ses biens et saisir l’équivalent de 36 livres.

Autres temps, autres mœurs ! Inutile de se plaindre au moment de payer ses dettes. Nos ancêtres avaient bien plus de raisons que nous de trouver la vie difficile !

— Pierre Lambert, 2002 (mis à jour en 2020)