Capsules d'histoire - Notables et ancêtres

Les premiers médecins de Belœil

 

Avec son collègue Allard, Jean-Baptiste Brousseau fut le premier médecin canadien-français de Belœil. SHBMSH, fonds Armand-Cardinal.

Les tous premiers habitants de Belœil qui avaient à consulter un médecin se rendaient évidemment dans une paroisse plus ancienne des environs, probablement à Chambly, Saint-Charles ou Saint-Denis. Ce n’est qu’à partir des années 1770 que la population belœilloise a été assez importante (environ 500 habitants) pour faire vivre son premier médecin.

« Vivre », c’est un bien grand mot, puisque ce premier médecin, Charles-Étienne Letestu, devait se construire une clientèle dans les endroits voisins, comme la seigneurie de Rouville (les paroisses de Saint-Hilaire et de Saint-Jean-Baptiste, en tant que telle, n’existaient pas encore), et qu’il était notaire en plus d’être médecin.

Charles-Étienne Letestu était déjà médecin depuis plusieurs années quand il vint s’établir à Belœil en 1778. Il avait quitté la Normandie pour la Nouvelle-Angleterre, avait traversé au Canada lors de la Révolution américaine, s’était établi à L’Assomption avant d’aboutir à Belœil où il vécut uniquement de la médecine pendant trois ans, jusqu’au moment où il devint également notaire.

Letestu possédait sa maison du côté de Saint-Hilaire et il accostait au quai de Belœil tous les matins pour se rendre à son étude de notaire, près du presbytère et de son plus gros client, le curé François Noiseux. À compter de 1792, Letestu demeura dans la seigneurie de Rouville jusqu’à son décès en 1810. Il était l’arrière-grand-père de la cantatrice Béatrice La Palme qui acquit une renommée internationale vers 1915 et qui a donné son nom à la salle de spectacle voisine de notre bibliothèque municipale.

L’invasion américaine de 1775 avait amené l’Angleterre à faire appel à des mercenaires allemands pour défendre la province et tout au long de leurs déplacements, les troupes logeaient chez les habitants des paroisses de la région. Au cours de l’hiver de 1782-1783, Belœil verra arriver un deuxième médecin, Gustav Iserhof, un assistant-chirurgien qui préféra demander son congé plutôt que de retourner en Europe avec les soldats. Il demeura cinq ans à Belœil, effectuant notamment des chirurgies ainsi que des accouchements (donc en compétition avec la sage-femme de la paroisse). Il épousa une fille d’ici puis fit un peu de commerce tout en demeurant médecin; il déménagea plus tard à Chambly puis a Berthier

On ne sait pas grand-chose d’un troisième médecin résident, Charles Schiller, à Belœil de 1808 à 1816 environ. Lui aussi était arrivé avec les troupes allemandes en 1776. Il épouse en secondes noces à Sorel Charlotte Claire Palmer, dont le père était un médecin américain, Thomas Alexander Palmer, qui a peut-être professé à Belœil vers cette époque.

On aura remarqué que les premiers médecins de Belœil n’étaient pas des Canadiens français. Les jeunes d’ici qui voulaient devenir médecin devaient passer quelques années au service de plus vieux médecins afin d’apprendre leur art, c’est-à-dire bien peu de choses la plupart du temps. La population faisait souvent appel à des « rabouteux » et à des « remèdes de bonne femme ». Les rares médecins canadiens-français furent débordés par l’arrivée de praticiens britanniques (avec la Conquête), américains (Loyalistes), allemands, français et autres.

Ce n’est qu’en 1788 qu’une ordonnance exigea que les candidats à la médecine subissent avec succès un examen devant des spécialistes, sauf ceux qui avaient étudié en Angleterre ou avaient été plus de trois mois chirurgiens dans l’armée. Cette législation favorisa la mainmise des Britanniques et des chirurgiens militaires sur la médecine de telle sorte que vers 1800 il n’y avait que le tiers des médecins qui étaient canadiens-français.

Que valait la médecine dans nos paroisses du Richelieu vers 1800? La réponse n’est pas facile puisqu’il reste peu de documents relatifs aux actes médicaux. À Belœil, les médecins prodiguaient des soins, prescrivaient des médicaments, effectuaient des chirurgies. À cette époque, les saignées étaient communes; on estimait qu’elles apportaient beaucoup de bien.

Les statistiques de mortalité à cette époque amènent à croire que la médecine n’avait pas un grand effet sur la survie des malades. Il faudra attendre jusqu’au milieu du dix-neuvième siècle pour que la médecine ait une influence perceptible sur la vie de nos ancêtres.

 

— Pierre Lambert, 1994 (mis à jour en 2020)