Capsules d'histoire - Patrimoine bâti

La maison Charles-L’Heureux

 

Maison patrimoniale L'Heureux

La maison Charles-L’Heureux au 209 chemin des Patriotes Sud au début du XXe siècle. SHBMSH, fonds Armand-Cardinal.

Même si Jean-Baptiste Hertel de Rouville est devenu « l’heureux propriétaire » de la seigneurie de Rouville en 1694, il faudra plusieurs années avant que le territoire ne soit habité. Les premières concessions de terre eurent lieu, non pas près de l’église actuelle, mais plutôt dans le secteur du manoir. En 1746, on compte treize habitants sur le territoire de la seigneurie, dont Jean-Baptiste Catudal et sa famille, installés depuis 1738 tout près du lot seigneurial. En 1772, Charles L’Heureux épouse Marie Catudal et devient propriétaire de la terre de Jean-Baptiste Catudal, son beau-père. Cultivateur prospère, en 1792 il y construit une maison de pierre, dont il inscrit le millésime dans une niche au-dessus de l’entrée principale originale. Le couple aura deux fils, Charles et Gabriel. En décembre 1809, les deux époux décèdent à une journée d’intervalle et c’est Gabriel, marié depuis 1798 à Marie Catherine Béique, qui succède à ses parents.

Gabriel et Catherine vivront avec leurs enfants dans cette demeure jusqu’à leur décès respectif en juin et décembre 1839. C’est leur petite-fille Catherine Blanchet (fille de leur aînée Marie) qui hérite de la maison avec son conjoint Thomas Valiquette. À compter de la fin du XIXe siècle, plusieurs propriétaires se succéderont : Charles Ruffier, l’avocat Toussaint Brosseau, C.P. Riddle, puis Edward Learch en 1942. Cette année-là, la maison est durement endommagée par un incendie. Fred Oliver, avocat de Washington D.C. et sa femme Juliette Casavant, de la célèbre famille des facteurs d’orgues maskoutains, achètent la maison en 1945 et l’habitent jusqu’en 1979.

C’est l’avocat Stephen Clerk et son épouse Thérèse St-Jacques qui s’y installent en 1979 et voient à la remettre en bon état, par plusieurs rénovations au cours des années 1980. Ils y font certaines découvertes intéressantes : sous le crépi de la salle à manger, on trouva le foyer de la première cuisine d’été et, dans le jardin, on déterra l’évier en pierre de la première cuisine ! Cette solide demeure en pierres subit plusieurs travaux de rénovations depuis sa construction en 1792. Le carré original de la maison consistait d’un salon et d’une cuisine au rez-de-chaussée et d’une chambre au deuxième, avec un foyer dans chaque pièce. Le sous-sol en terre servait de caveau où l’on entreposait les denrées pour l’hiver. La construction est solide, avec des murs épais protégeant du froid l’hiver tout en permettant à la maison d’être confortable pendant les chaleurs d’été. Le toit à pente prononcée terminé par un larmier, c’est-à-dire une remontée de la corniche, rejette l’eau de pluie loin de la maison et offre une meilleure résistance aux accumulations de neige.

On ajouta une cuisine d’été en bois du côté nord, transformée en 1929 en rallonge au parement de pierre et de cèdre. À cette même période, on ajoute à l’étage une lucarne de chaque côté de la lucarne centrale. Le plancher du rez-de-chaussée endommagé par l’incendie de 1942 fut remplacé par une dalle en béton. La porte d’entrée principale fut alors déplacée du côté nord. Le réseau électrique, la plomberie, un toit en bardeau de cèdre et une serre à charpente métallique, renouvelés par la famille Clerk, améliorent le confort du bâtiment.

Depuis le début du XXIe siècle, par un intéressant concours de circonstances, c’est un descendant direct de Charles L’Heureux qui acquiert la maison bicentenaire, effectuant des travaux de modernisation qui ne semblent pas avoir trop affecté le carré original de 1792. Selon toute vraisemblance, il s’agit de la plus vieille maison de Mont-Saint-Hilaire.

— Anne-Marie Charuest, 2021