Capsules d'histoire - Rues, parcs et monuments
Le monument des anciens combattants de Saint-Hilaire
Quatre ans après la fin de la première Grande Guerre, Andrew Hamilton Gault, propriétaire de la montagne, fit ériger un monument à la mémoire des hilairemontais vétérans de ce terrible conflit. De quatre mètres de hauteur, bâti en moellons rougeâtres liés avec un mortier de même couleur, le monument trônait au bord du chemin des Patriotes face à l’église paroissiale.
Le monument commémoratif honorait non seulement les résidents de Saint-Hilaire qui ont participé à la guerre de 1914-1918, il avait aussi une fonction pratique. C’était un abreuvoir public, à l’usage des chevaux, des chiens et des humains. Avant que l’automobile ne devienne un moyen de transport populaire, c’est en voiture à cheval que les paroissiens de Saint-Hilaire se rendaient à l’église, aux magasins, à la banque, chez le notaire, etc. Les vieilles photos du parterre de l’église montrent les longues poutres horizontales auxquelles on attachaient les chevaux pendant les offices. L’abreuvoir sur le devant du monument servait à faire boire les chevaux, ceux de chaque côté étaient destinés aux chiens et la buvette située à l’arrière désaltérait hommes, femmes et enfants. L’eau provenait de l’aqueduc municipal exploité par Petit Water.
Une plaque explicative portant la date de 1922 rappelait aux passants la raison d’être du monument ainsi que le nom du donateur. La structure était surmontée d’un trophée de guerre, une mitrailleuse allemande, symbole du triomphe des forces alliées sur celles du Kaiser. Les habitants du vieux village se souviennent d’avoir été réveillés à quatre heures du matin un jour d’été de 1940 par la violente explosion qui fracassa l’abreuvoir chevalin et fit éclater des vitres de l’église et tous les carreaux de la devanture du magasin général au coin de la rue Sainte-Anne. Le marchand Ulric Baril et sa famille occupaient l’étage au-dessus du magasin. Sorti précipitamment en pyjama constater les dégâts, Ulric en fiferlot, rentra couper de nouvelles vitres et les remastiqua toutes avant d’aller se rhabiller.
Dick Bernard de la rue Sainte-Anne, homme-à-tout-faire, coléreux, boiteux, un peu ivrogne, était l’auteur de la déflagration. Il s’en prit au monument parce que la plaque ne faisait état que de Hamilton Gault, omettant le nom de Gaston Bédard, Dollard Church et René Poudrette qui avaient également participé au conflit. Par la suite, Bernard aurait fait l’objet d’une poursuite judiciaire mais s’en serait tiré indemne, faute de preuves.
Quant au monument, il n’aurait souffert que de minimes dommages, vite réparés. Plusieurs années plus tard, le monument subit un second assaut définitif cette fois. L’élargissement du chemin des Patriotes vers les 1970 nécessita sa démolition. La plaque explicative en bronze est disparue on ne sait où, tandis que ce serait Léopold Côté, employé municipal qui, selon l’historien Armand Cardinal, aurait récupéré la mitrailleuse, affirmation démentie par son frère Raymond Côté.
Mont-Saint-Hilaire demeure néanmoins l’une des rares villes du Québec à conserver un mémorial de la Grande Guerre 1914-1918. Car il existe un second trophée, témoin silencieux du premier conflit mondial, un mortier de gros calibre (230mm) avec un canon de l,24 m, discrètement immobilisé sur un socle de béton à côté du quai fédéral, sur le bord de la rivière Richelieu.
Merci à Gaston Baril, Lise Beausoleil, Armand Brodeur, Gérard Choquette, Alain Côté, Raymond Côté, Raymond Faille, France Halde, Paul Fréchette, Rolande Lapierre, Réjean Laramée, Jean Poudrette, Raymond Rouillard, Kees Vanderhyden, sans qui cette histoire n’aurait pu être reconstituée.
— Michel Clerk, 1999