Capsules d'histoire - Vie religieuse
La cloche envolée
Ce texte est extrait de l’article « Guillaume Cheval (1829-1880) un personnage influent à Saint-Hilaire », du regretté Pierre St-Germain paru dans le Cahier d’histoire no 118.
NDLR : Guillaume Cheval (1829-1880) était maître-cordonnier à Saint-Denis-sur Richelieu, puis commerçant à Saint-Hilaire. Il fut commissaire d’école puis président de la commission scolaire. Il s’associa au projet d’aqueduc de Saint-Hilaire. Homme d’action influent, juge de paix, maire, député de Rouville à la Chambre des Communes, il fut aussi marguillier à Saint-Hilaire 1.
De 1871 à 1875, Guillaume Cheval est au cœur de controverses dans la paroisse. En tant que marguillier, il a des différends importants avec le curé. M gr Larocque, qui habite à cette époque au presbytère de Belœil, tranche en faveur du curé. À chaque fois, l’évêque tente de régler le conflit par lettre, ce qui jette plutôt de l’huile sur le feu. Un jour, Guillaume Cheval prend la parole sur le perron de l’église et somme l’évêque d’écouter les deux parties. Plusieurs citoyens l’appuient. Le conflit entre les paroissiens et le clergé atteindra son apogée avec l’affaire de la cloche.
Pendant que le clocher de l’église subit des réparations majeures, la cloche est déposée au sol. Les marguilliers constatent qu’elle est fêlée. Six d’entre eux votent pour l’achat d’une nouvelle cloche et six autres pour conserver l’ancienne. Le curé tranche en faveur de ces derniers. Sans consultation, Guillaume Cheval commande aux États-Unis une nouvelle cloche 2.
Dans la nuit du 18 octobre 1874, la vieille cloche disparaît mystérieusement. L’évêque, voyant l’autorité ecclésiastique menacée, ordonne qu’on ramène la vieille cloche. Si dans les dix jours, elle n’est pas revenue à sa place, il frappera d’excommunication tous les paroissiens de Saint-Hilaire. C’était là une mesure d’une grande sévérité puisque toute la vie sociale était étroitement liée à la pratique religieuse.
Le dimanche suivant, l’ultimatum tire à sa fin, M gr Larocque envoie son vicaire Decelles lire le décret d’excommunication. Alors que ce dernier s’apprête à le lire, un paroissien monte les marches de la chaire pour chuchoter à son oreille. Le vicaire s’abstient alors de lire le mandat et sort à l’extérieur suivi des paroissiens. Tous aperçoivent sur le quai une caisse de bois déposée par le vapeur Chambly avec la mention « marchandise très précieuse », c’était la vieille cloche. Le lendemain, 200 signataires, dont Guillaume Cheval et le maire Moïse Bessette, déposent une supplique où ils reconnaissent leurs torts. Cet épisode aura servi à calmer les esprits.
Même si on remonte la vieille cloche dans le clocher et qu’on laisse la neuve sur le perron pendant quatorze mois, plus tard on installera la nouvelle cloche et la vieille sera vendue à la première église de Sainte-Madeleine.
La capsule a paru dans L’Oeil régional, 24 avril 2024, p. 23.
1. Cloutier, Roger. « Cheval, Guillaume (1829-1880) », Dictionnaire historique concernant Belœil, McMasterville, Mont-Saint-Hilaire, Otterburn Park, Saint-Jean-Baptiste et Saint-Mathieu-de-Belœil, consulté le 14 avril 2024.
2. NDLR : elle arrive sur le quai de la gare (date non mentionnée). Armand Cardinal, Les fondateurs de Saint-Hilaire, Saint-Jean-sur-Richelieu, Éditions Mille Roches, 1983, p. 134.