Capsules d'histoire - Notables et ancêtres
Les premiers notaires de Belœil
Les premiers colons durent attendre plusieurs années avant qu’un premier notaire vienne s’installer à Belœil. Il n’y avait pas assez d’habitants pour assurer la subsistance du notaire et les paysans devaient se rendre dans une paroisse voisine (Chambly, Saint-Charles, Saint- Denis, etc.) pour faire rédiger les contrats dont ils avaient besoin; au cours du premier demi-siècle de son histoire, Belœil n’a vu passer qu’un seul notaire, c’était un notaire ambulant, allant de paroisse en paroisse pour rédiger des actes légaux; il s’appelait Cyr de Monmerqué.
Le premier notaire à avoir résidé à Belœil était François LeGuay (père), qui vint s’installer dans la paroisse en novembre 1771, trois mois avant l’ouverture de la chapelle. Ce notaire était en même temps l’agent des terres de François Deschambault qui gérait la seigneurie de Belœil pour sa fille Marie-Catherine, devenue seigneuresse par la disparition de son mari Charles-Jacques Le Moyne, en 1755.
Pour être franc, LeGuay faisait bien plus d’argent comme associé de Deschambault que comme homme de loi. Le curateur Deschambault n’avait pas le droit de vendre des terres aux colons; il devait les concéder seulement. Pour passer outre à cette réglementation, il les concédait à LeGuay qui, lui, les vendait.
LeGuay sera notaire à Belœil de 1771 à 1777, avant de partir pour Montréal. Il fut le seul professionnel dans la paroisse pendant plusieurs années. Pendant quelques années, les Belœillois furent sans notaire jusqu’à ce qu’arrive Charles- Étienne Letestu, le plus important parmi les premiers notaires de Belœil.
Letestu était un Français né en Normandie vers 1740 et qui avait émigré aux États-Unis. Vers 1770, il vivait dans la région de Boston lorsqu’il décida de déménager au Canada. En janvier 1774, il est médecin et vit à L’Assomption lorsqu’il épouse Josephte Massue, fille d’un gros marchand de Varennes. Lorsque les Américains envahissent le Canada, il participe à la défense de Québec à l’hiver 1776, tombe malade et se trouve sans le sou. C’est alors qu’il décide de se diriger vers Belœil où nous le retrouvons en 1778 où il loge chez le capitaine de milice. L’année suivante, il s’achète deux terres à Saint-Hilaire et il s’installe sur l’une d’entre elles. Tout en travaillant a Belœil pendant plusieurs années, il continuera à demeurer de l’autre côté de la rivière, traversant le Richelieu matin et soir pour se rendre à son étude. On imagine les difficultés à l’époque du gel et du dégel!
Charles-Étienne Letestu était déjà médecin à son arrivée à Belœil en 1778 et il deviendra en plus notaire trois ans plus tard. Il rédigera ses minutes à Belœil de 1781 à 1792, installé à cote du presbytère de Belœil où résidait son plus gros client, le curé et agent des terres; François Noiseux. Ces 11 ans représenteront 90 % du minutier de Letestu. En 1792, Letestu déménage son étude dans sa résidence de Saint-Hilaire où il continuera de travailler, mais au ralenti, jusqu’en 1809. Au cours de sa vie professionnelle, il aura rédigé près de 2 000 actes dont le quart a la demande du curé Noiseux de Belœil, grâce auquel il pouvait vivre.
Il ne faut donc pas s’étonner que lorsque les gens de Saint-Hilaire entreprirent des démarches pour la fondation de leur paroisse, Letestu refusa de s’impliquer, probablement pour ne pas risquer de perdre la clientèle du curé Noiseux. Charles-Étienne Letestu mourut à Saint-Hilaire en 1810. Il était l’arrière-grand-père maternel de la grande cantatrice Béatrice La Palme, native de Belœil.
— Pierre Lambert, 1994 (mis à jour en 2020)